Le prince de la Valiha

Production

Synopsis

Rajery est une figure emblématique de Madagascar. C’est un musicien talentueux et engagé pour le développement et la sauvegarde de son pays. Au-delà de ses prouesses musicales, Rajery rayonne et se bat, au quotidien, pour sauver ce qui peut encore l’être sur les terres où il a grandi.

Rajery, le Prince de la Valiha

Rajery, musicien, luthier et éducateur, a construit sa vie autour de la valiha. Au fond du petit atelier de lutherie de Befelatanana, quartier sud d’Antananarivo, derrière un drap faisant cloison, sont installés quelques pupitres. Rajery, d’un signe, rompt le brouhaha, aussitôt les voix d’enfants s’organisent en chants accompagnés par le grondement du tambour. Ici chaque jour, par groupes de vingt, les gosses des rues apprennent à jouer de la valiha, du djembé, à chanter la polyphonie.

Quand il n’est pas à donner des cours de valiha aux enfants des rues, Rajery dirige des séances de musicothérapie dans un service de l’hôpital psychiatrique d’Anjanamasina, situé à une vingtaine de kilomètres d’Antananarivo. Cet altruisme, jamais il ne l’envisage comme un sacrifice consenti au détriment de sa carrière ou de sa vie familiale mais plutôt comme un investissement dont les dividendes ne peuvent se chiffrer. “Mon or, c’est la société. Je vis dans la société, je mourrai dans la société. C’est elle qui m’inspire. Aujourd’hui c’est moi qui donne, un jour les autres me le rendront…”

Dans ce pays où le culte des ancêtres est omniprésent et donne lieu à des cérémonies inouïes, comme le famadihana, où l’on exhume les morts, les retourne et les enterre à nouveau en musique, l’exemple de Rajery semble contredire le cinéaste polonais Kieslowski qui écrivait : “Chacun d’entre nous, à un moment ou à un autre de sa vie, a désespérément souhaité qu’un disparu revienne de l’au-delà, pour lui faire un signe, ne fût-ce qu’un instant. Mais les morts ne reviennent jamais, parce que nous ne le méritons pas. Nous continuons à gâcher le monde derrière eux.”

Rajery a mis sa vie en oeuvre pour atténuer un gâchis qui le concerna très tôt. Son histoire semble inspirée d’un conte de Grimm débutant par “Il était une fois”. Sur un marché de Tana, une jeune fille promène son petit frère à la mode malgache, attaché dans son dos. A l’insu de la soeur, une vieille femme tend un morceau de viande empoisonnée au bébé qui l’avale. L’enfant étouffe, sa main droite se met à enfer. Le père place alors un garrot pour empêcher le mal de se propager. Quelques jours plus tard, la soeur s’approche du lit où l’enfant est couché pour constater que les doigts de la petite main sont tombés. A Ambohimanga, la “colline bleue”, où il est né il y a 47 ans, le petit Germain Randrianarisoa, dit Rajery, mène malgré tout une enfance heureuse bercée par les chants d’église et le vakodrazana, folklore du nord de l’île.

Les difficultés commencent vraiment lorsqu’il s’entête à vouloir jouer de la valiha accrochée au mur, que son père caresse parfois en rentrant des champs. Si la valiha est considérée comme un instrument sacré, ses serviteurs ne sont-ils pas nécessairement élus ? Et quelle chance un infirme peut-il avoir d’être l’un d’entre eux ? Longtemps, Rajery s’efforce en vain de tirer un son de l’instrument, ne parvenant qu’à faire saigner son moignon. “Un jour, je ne sais comment, j’ai réussi à pincer une corde. J’avais 15 ans ; une étincelle s’était produite.” Des années seront nécessaires avant que l’extrémité de son membre ne finisse par se changer en corne.

En 1983, il débute avec le groupe « Tsilavina ». Rajery décide de rafraîchir le répertoire traditionnel, se lance à l’assaut des différents styles, ceux des hauts plateaux en mode majeur, ceux des côtes en mineur, et finit par créer une méthode. “J’ai écrit des tablatures et trois ans plus tard, j’ai commencé à enseigner.” Dans son élan, il constitue en 1991, « Akombaliha », le premier grand orchestre consacré à la valiha, vingt-trois musiciens jouant des différentes formes prises par l’instrument à travers les âges. Il crée l’Ecole de valiha « Rajery » en 1994, le festival « Fanamby », pour les personnes ayant une situation d’handicap en 1994, la semaine de valiha (enseignement gratuit de la valiha) dès 1996, le studio d’enregistrement « Valimad » en 2003, le festival « Angaredona » en 2004, le projet « 3MA « de cordes africaines (Madagascar-Maroc-Mali) en 2006 et en enfin, il développe autour de l’édition 2012 de son festival Angaredona, le projet « Arbre de Vie » dans lequel il s’engage pour un nouveau système de reboisement de l’île.

Enfant des hauts plateaux, Rajery apprivoise les nombreuses traditions appartenant à chacune des ethnies composant la mosaïque culturelle malgache dont les noms impossibles trahissent l’exotisme polychrome : Betsileo, Antandroy, Sakalava, Merina, Tsimihety, Betsimisaraka. Ses chansons, écrites dans la langue du pays, parlent des feux de brousse qui ravagent la forêt primaire, des voleurs de zébus, de la vie quotidienne du peuple malgache, de ses craintes et de ses espoirs. Avec cet acharnement de fils de la foi, il achèvera de tamiser ces musiques pour obtenir sa farine personnelle, pétrie et feurie sur ses cinqs albums. Partagé entre instrumentaux et titres chantés, on y goutte la lumière, la tristesse, la religiosité, la candeur et ce soupçon de volupté surnaturelle qui se propage dans les paysages inouïs que possède l’île, qu’un dieu artiste aurait peinte un jour de grande inspiration. C’est cette beauté et sa perte qu’évoquent sa musique. Elle plonge ses racines dans la terre de Madagascar, tout en alliant une musique plus universelle : « La Musique Vivante de Madagascar ».

Rajery ne cesse de dire ses espoirs dans « la force de la musique » et son envie de partager ce qu’elle lui a donné.

La naissance d’un projet de documentaire,
Bertrand Guerry / Thibaut Ras – Réalisateurs

En Mai 2012, nous sommes allés à la rencontre de Rajery lors du festival « Musiques Métisses » d’Angoulème. Très vite, nous nous sommes aperçus que nous partagions nombreuses de ses valeurs. Ce fut alors comme une évidence et les prémices d’un vrai désir de réalisation d’un flm documentaire qui mettrait en lumière son engagement, son altruisme et sa musique.

Rajery a toujours été à l’écoute de la terre et de l’agriculture. Pour lui, les paysans sont à la base de tout. Ils sont une de ses sources d’inspirations majeures. Il a sans cesse puisé dans leurs regards, leurs gestes et leurs conditions pour façonner sa musique. Rajery est encore aujourd’hui à l’écoute de ces paysans. Son nouvel album Tantsaha (Paysans) leur rend hommage.

Ambassadeur de la musique malgache dans le monde, il transmet alors son savoir à qui veut bien tendre l’oreille et ouvrir ses yeux. Rajery met à proft pour les autres ce que son succès dans la musique lui apporte. En parcourant le monde, il a su laisser des traces de lui et de sa culture un peu partout. En tournée, il ne se lasse jamais de faire découvrir son instrument traditionnel, la Valiha. Rajery ne se cache pas. Il se découvre sans cesse. Il rayonne. Il livre ce qu’il sait. Rajery a de l’appétit mais il sait partager. Il ne conserve pas, il propage. Croiser sa route est toujours très enrichissant et revigorant.

Rajery laisse des empreintes. Il persévère même si le vent vient parfois les recouvrir.
Rajery ne se décourage jamais. Il repose le pied là où cela s’efface.
Ses combats nous fascinent.
Sa musique nous transporte, autant vivante que lui.
Suivons sa route…

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Fiche technique

Bertrand Guerry et Thibaut Ras
Production : MITIKI Productions
Tournage en octobre 2012
Sortie courant 2013

Diffusion

FESTIVALS :

  • 21 aout 2014 : Projection Festival International du Film Insulaire de Groix
    Sélection « coup de cœur »